Résilience active, résilience organisationnelle : deux faces d'un même levier stratégique

Résilience active, résilience organisationnelle : deux faces d'un même levier stratégique

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2 oct. 2025

2 oct. 2025

Les organisations adorent parler de résilience. Plans de continuité, matrices de risques, workshops sur le change management — tout un arsenal conceptuel déployé comme si l'entreprise était une forteresse à blinder contre les tempêtes. Le problème ? On oublie systématiquement que les forteresses ne pensent pas, ne doutent pas, et ne prennent pas de décisions à 3h du matin quand tout bascule.

La résilience organisationnelle n'est pas une question d'infrastructure. C'est une question de système nerveux. Et dans toute organisation, le système nerveux porte un costume : ce sont ses leaders.

De quoi parle-t-on vraiment quand on parle de résilience organisationnelle ?

La littérature académique nous a donné des définitions élégantes. Lengnick-Hall et ses collègues parlent de « capacité à absorber et s'adapter face à l'adversité ». Hamel évoque « l'aptitude à se réinventer avant d'être forcé de le faire ». Vogus et Sutcliffe définissent la résilience organisationnelle comme « le maintien d'un ajustement positif dans des conditions difficiles, de sorte que l'organisation en émerge renforcée et plus resourceful ». Mallak, lui, identifie quatre facteurs structurants : la croyance active, la gestion des ressources contextuelles, le développement des relations, et l'engagement dans une réflexion active.

Tout cela est juste. Et structurellement incomplet.

Parce que dans la pratique, trois malentendus persistent — trois illusions conceptuelles qui coûtent cher aux organisations qui les entretiennent :

Malentendu n°1 : La résilience n'est pas (que) un plan de continuité

Un PCA vous permet de redémarrer vos serveurs après une panne. Il ne vous dit pas comment décider quand les données sont contradictoires, les équipes divisées, et le conseil d'administration en mode panique. La résilience commence là où les procédures s'arrêtent.

Malentendu n°2 : La résilience n'est pas synonyme de « retour à la normale »

Comme le souligne Hollnagel dans ses travaux sur le Resilience Engineering, la résilience ne consiste pas à restaurer un état antérieur mais à « ajuster son fonctionnement avant, pendant ou après des événements » pour maintenir les opérations requises. Rebondir ne signifie pas revenir à l'état d'avant. Les organisations résilientes ne restaurent pas — elles transforment. Elles sortent de la crise différentes, plus intelligentes, structurellement modifiées par ce qu'elles viennent de traverser. Le « retour à la normale » est une nostalgie, pas une stratégie. C'est une vision réactive quand la résilience exige d'être proactive.

Malentendu n°3 : La résilience n'est pas l'affaire exclusive des RH ou des équipes terrain

Les directions aiment externaliser la résilience. On forme les managers de proximité à « tenir le choc », on équipe les collaborateurs d'outils de bien-être, on crée des cellules de crise opérationnelles. Pendant ce temps, au comité de direction, on continue de naviguer à l'instinct, entre ego surdimensionnés et angles morts cognitifs. Comme si la résilience pouvait être déléguée vers le bas pendant que le sommet reste fragile.

La faille cachée : le facteur humain au sommet

Les chiffres sont têtus. Selon McKinsey, 70% des transformations échouent — et dans 60% des cas, c'est le facteur humain qui est en cause. Pas la technologie. Pas la stratégie. Les humains. Et plus précisément : les humains qui décident.

Le paradoxe des comités de direction, c'est qu'ils concentrent à la fois le pouvoir décisionnel et les vulnérabilités comportementales les plus lourdes. Biais de confirmation, pensée de groupe, surinvestissement émotionnel dans des décisions passées, incapacité à reconnaître les signaux faibles — autant de failles cognitives amplifiées par la pression et la fatigue décisionnelle.

Prenons un exemple concret. Une scale-up technologique en forte croissance. Le fondateur charismatique incarne à lui seul la vision, la culture, l'énergie. Puis il part. Pas de conflit, pas de scandale — juste un départ programmé. Sauf que personne dans l'équipe dirigeante n'a développé cette capacité à porter la direction dans l'ambiguïté. Résultat : six mois de flottement stratégique, perte de confiance des investisseurs, démissions en cascade. L'organisation avait des process impeccables. Elle n'avait pas de résilience au sommet.

La résilience organisationnelle ne se délègue pas. Elle s'incarne — ou elle n'existe pas.

Résilience active : la métacompétence méconnue des leaders

Chez UNREST, nous définissons la résilience active comme la capacité à encaisser, rebondir, apprendre et décider dans l'incertitude. Ce n'est pas une posture. Ce n'est pas du storytelling motivationnel. C'est une métacompétence — une compétence cognitive et comportementale de niveau supérieur qui englobe et conditionne toutes les autres.

Pourquoi "métacompétence" ? Parce que la résilience active n'est pas une compétence parmi d'autres dans le portefeuille d'un leader. C'est le substrat qui permet aux autres compétences de s'exprimer sous pression. Un leader peut avoir une vision stratégique brillante, une expertise sectorielle pointue, et des qualités relationnelles remarquables — mais si sa capacité de résilience active est faible, toutes ces compétences se dégradent ou disparaissent dès que le contexte devient hostile.

La résilience active est au leadership ce que le système d'exploitation est à l'ordinateur : invisible en temps normal, critique en toutes circonstances. Elle détermine :

  • La qualité décisionnelle sous contrainte : capacité à maintenir un niveau de discernement élevé malgré la fatigue, l'ambiguïté, et la pression temporelle

  • La performance relationnelle dans la tension : aptitude à préserver la qualité des interactions et la confiance même en situation de désaccord profond ou de crise

  • L'équilibre entre engagement et préservation : capacité à maintenir l'intensité nécessaire sans basculer dans l'épuisement — ce que Hollnagel nomme le Thoroughness-Efficiency Trade-Off

  • L'apprentissage en temps réel : faculté à extraire des insights stratégiques de l'adversité pendant qu'elle se déroule, pas seulement après

Contrairement à la résilience réactive — qui consiste à « tenir le coup » en attendant que ça passe — la résilience active transforme l'adversité en feedback stratégique. Elle s'inscrit dans la lignée du Resilience Engineering de Hollnagel, qui distingue quatre capacités essentielles : répondre (gérer ce qui arrive), surveiller (savoir ce qui se passe), anticiper (prévoir ce qui pourrait arriver), et apprendre (tirer les leçons du passé). Mais là où Hollnagel pense systèmes, UNREST pense leaders.

La résilience active intègre les quatre facteurs de Mallak dans un cadre opérationnel appliqué aux décideurs :

  • Croyance active : maintenir une hypothèse directionnelle même quand les données sont incomplètes — sans tomber dans le biais de confirmation

  • Gestion des ressources contextuelles : mobiliser l'intelligence collective sans se noyer dans le consensus

  • Développement des relations : préserver la qualité des liens décisionnels dans la tension — cette « déférence envers l'expertise » dont parlent Weick et Sutcliffe

Réflexion active : apprendre en temps réel, ajuster sans basculer dans la réactivité pure

C'est ce qu'on appelle une boucle cognitive courte : percevoir, analyser, décider, ajuster — et recommencer. Les leaders résilients ne sont pas ceux qui ne doutent jamais. Ce sont ceux qui doutent efficacement. Ils pratiquent ce que Weick appelle la mindfulness — cette attention continue qui permet de détecter les signaux faibles avant qu'ils ne deviennent des crises majeures.

En positionnant la résilience active comme métacompétence, on sort du paradigme traditionnel du leadership development qui traite les compétences en silos (stratégie / opérations / relations / bien-être). La résilience active est le multiplicateur transversal qui détermine si ces compétences restent accessibles quand elles sont le plus nécessaires — c'est-à-dire précisément quand tout va mal.

L'interdépendance invisible : comment la résilience individuelle nourrit (ou affaiblit) la résilience collective

Voici ce que personne ne dit assez fort : il n'existe pas de résilience collective sans socle d'individus capables de garder leur clarté d'analyse sous pression.

Cette intuition n'est pas nouvelle. Weick et Sutcliffe, dans leurs travaux sur les High Reliability Organizations, ont documenté ce qu'ils appellent le mindful organizing — une forme d'organisation collective qui détecte et corrige les événements inattendus avant qu'ils n'escaladent. Leur recherche révèle cinq processus interdépendants : la préoccupation pour l'échec, la réticence à simplifier, la sensibilité aux opérations, l'engagement envers la résilience, et la déférence envers l'expertise. Ces cinq dimensions créent ce qu'ils nomment la collective mindfulness — un état d'attention partagée qui permet d'anticiper les vulnérabilités avant qu'elles ne s'accumulent en crises majeures.

Le point crucial ? Ces processus ne peuvent exister que si les individus qui composent l'organisation — et particulièrement ses leaders — sont capables d'opérer dans ce mode cognitif exigeant.

Une organisation est un système nerveux étendu. Chaque décideur est un nœud de ce réseau. Et dans tout système nerveux, un signal faible ignoré devient une défaillance systémique. Quand un membre du comex nie un risque par biais d'optimisme, ce n'est pas « son » problème — c'est un angle mort collectif. Quand un dirigeant prend des décisions sous fatigue cognitive chronique, ce n'est pas de la résilience — c'est de l'usure qui se transmet.

Sutcliffe et Vogus parlent de la résilience organisationnelle comme d'une « capacité collective à détecter les détails discriminants sur les problèmes émergents et à agir rapidement en réponse ». Cette capacité collective n'est pas un attribut abstrait — elle émerge de la qualité cognitive et comportementale des individus qui composent les nœuds critiques du système.

La résilience collective émerge quand les individus clés sont capables de :

  • Garder leur clarté d'analyse : distinguer signal et bruit, même dans le chaos

  • Reconnaître leurs biais : savoir quand leur cerveau les trahit (spoiler : souvent)

  • Coopérer dans la tension : maintenir la qualité relationnelle même en désaccord profond

  • Incarner la direction : porter une vision stratégique même quand elle n'est pas encore parfaitement claire

Diane Coutu, dans ses recherches sur les caractéristiques psychologiques de la résilience, identifie trois piliers fondamentaux : l'acceptation lucide de la réalité, la capacité à donner du sens, et l'aptitude à improviser. Ces trois dimensions ne sont pas des traits de personnalité figés — ce sont des compétences cognitives et émotionnelles qui peuvent être développées. Mais elles doivent être présentes au sommet pour irriguer le reste de l'organisation.

Sans cela, l'organisation peut avoir les meilleurs process du monde — elle reste vulnérable. Parce qu'au moment critique, ce sont des humains qui décident. Et si ces humains sont en mode survie cognitive, l'organisation suit.

UNREST : un jumeau numérique pour reconnecter les deux strates

C'est précisément là qu'intervient UNREST. Pas comme un énième outil de coaching ou de développement personnel, mais comme un jumeau numérique cognitif et comportemental qui opère au niveau de la métacompétence — là où se joue réellement la performance décisionnelle sous pression.

Le principe est simple : mesurer, nourrir et suivre la résilience active des leaders à travers une boucle de feedback cognitive continue. Parce que si la résilience active est une métacompétence qui conditionne toutes les autres, alors son développement ne peut pas suivre les méthodes classiques du leadership training. On ne développe pas une métacompétence avec des séminaires ponctuels ou des exercices de team building.

Concrètement, UNREST agit sur quatre leviers :

  • Cartographie des biais cognitifs : identifier les angles morts avant qu'ils ne deviennent des erreurs stratégiques — cette "préoccupation pour l'échec" que Weick et Sutcliffe placent au cœur du mindful organizing

  • Dynamiques de tension : suivre l'évolution de la fatigue décisionnelle et des zones de friction — mesurer en temps réel l'état du "système d'exploitation" du leader

  • KPIs comportementaux : transformer des signaux subjectifs (« je sens que ça ne va pas ») en indicateurs avancés de résilience organisationnelle — faire de la métacompétence individuelle un proxy prédictif de la performance collective

  • Simulation de scénarios : entraîner la prise de décision dans l'ambiguïté, sans attendre la prochaine crise — développer le muscle de la résilience active par la pratique délibérée

Le Twin ne remplace pas le leader. Il l'augmente au niveau de sa métacompétence. Il crée une transformation silencieuse : pas de grandes annonces, pas de séminaires spectaculaires — juste une montée progressive en capacité décisionnelle, mesurée et objectivée.

Et c'est là que la boucle se referme : en renforçant la résilience active des individus — cette métacompétence qui conditionne leadership, décision et bien-être — UNREST nourrit directement la résilience organisationnelle. Parce qu'une organisation n'est jamais plus forte que la qualité de la métacompétence de ses leaders sous pression.

La résilience active n'est pas une soft skill de plus. C'est la hard skill qui détermine si toutes les autres restent opérationnelles quand ça compte vraiment.

Conclusion : l'organisme vivant contre l'armature rigide

Les organisations ne sont pas des bunkers. Ce sont des organismes vivants. Et dans tout organisme, la résilience vient d'un système nerveux actif — pas d'une armature rigide qui finit par craquer au premier coup inattendu.

La résilience organisationnelle ne se construit pas avec des procédures. Elle se cultive à la source : dans la tête, le cœur et les réflexes de ceux qui décident. UNREST propose de nourrir ce système nerveux de manière méthodique, mesurable, sans folklore ni grand-messe du changement.

Parce qu'au fond, la question n'est pas : « Votre organisation est-elle résiliente ? »

La vraie question, c'est : « Vos leaders le sont-ils ? »

Maxime
Rabéchault

Maxime
Rabéchault